25 mai 2016, séminaire, « Gains de santé, calcul économique et valeur statistique de la vie humaine »

Gains de santé, calcul économique et valeur statistique de la vie humaine

Luc Baumstark (GATE-CNRS, chercheur associé à Hospinnomics) et Daniel Herrera (Hospinnomics)

25 mai 2016, 17h00-19h00
Hôtel-Dieu, Amphithéâtre Lapersonne,
1 Parvis Notre-Dame, 75004 Paris

Pour télécharger le programme du séminaire.


Intégrer les gains en santé dans les calculs économiques : la question du référentiel de la valeur statistique de la vie humaine – Luc Baumstark

La puissance publique en charge des questions de santé se trouve fréquemment mise face à des décisions dans lesquelles elle doit mettre en balance les gains en santé attendus d’un arbitrage et les efforts qu’il convient d’engager pour les obtenir et cette question devient d’autant plus délicate que les contraintes budgétaires ne permettent pas d’envisager toutes les opérations possibles. Si l’on souhaite optimiser l’utilisation des ressources disponibles (sauver le maximum de vie, augmenter au mieux la qualité de vie des individus d’une société), il est incontournable de disposer d’indicateurs caractérisant les gains en santé des projets, des différentes alternatives, des investissements envisagés, …, de manière à éclairer les décideurs des conséquences en matière sanitaire des arbitrages qu’ils prennent.

Pour répondre à cette ambition les approches classiques en économie conduisent à ramener un gain en santé (apprécié en gains d’espérance de vie pondérés éventuellement par la qualité) aux coûts qui sont engagés. L’analyse économique ne peut se satisfaire de ces seuls indicateurs cliniques, elle pose la question de l’effort que les individus, qu’une collectivité prise dans son ensemble, sont prêts à consentir pour obtenir ces gains. Cette interrogation amène nécessairement à poser la question, sous le « voile de l’ignorance », de leur valorisation économique. L’économiste est amené ainsi à poser la question d’un référentiel du seuil à partir duquel on considérera que telle solution n’est pas raisonnable au regard des ressources disponibles.

C’est l’ambition de la construction d’une valeur statistique de la vie humaine qui fasse référence, une valeur alors qualifiée de tutélaire ou encore de seuil. Cette démarche qui vise à instaurer de la cohérence entre les différentes décisions, a beaucoup de mal à être comprise, elle est pourtant incontournable, et elle s’impose de fait de manière implicite dans les décisions prises. Il s’agit de définir l’effort supplémentaire que la collectivité est prête à consentir (ou quelle consent de fait dans ces décisions) pour diminuer un risque de mortalité. Cette démarche est mise en œuvre dans de nombreux secteur dans lesquelles les questions de sécurité se pose (Sécurité sanitaire, Sécurité civile, sécurité routière, sécurité alimentaire…). Cette approche fait l’objet de nombreuses critiques externes et internes, l’intervention proposée ici se concentre toutefois sur l’une d’entre elle : l’analyse du risque de mortalité reste insuffisante et peu adaptée pour traiter les cas, les plus nombreux, dans lesquels la question est moins celle d’une diminution du risque de mortalité, que celle de la diminution de l’espérance de vie et d’une éventuelle dégradation de la qualité de celle-ci.

La construction théorique doit alors envisager de passer de la valeur statistique de la vie humaine à celle de la valeur de l’année de vie épargnée pondérée par la qualité.  Cette intervention propose de revenir sur la construction de la valeur tutélaire statistique utilisée dans le secteur des transports récemment déterminée à 3 millions d’euros et les articulations envisageables avec le référentiel du Qaly utilisé dans les analyses médico-économiques du secteur de la santé.

Rendre la valeur statistique de la vie humaine « QALY-compatible » – Daniel Herrera

Assigner des valeurs à la vie ou à la réduction des risques sont des éléments clés pour informer le décideur public et favoriser la prise de décisions éclairées. Afin d’identifier les effets positifs ou négatifs d’une intervention publique sur la santé, il est souvent nécessaire d’agréger des risques de santé de nature différente (potentiellement mortels ou non-mortels).

La réduction des risques de mortalité ou de santé est habituellement traitée soit à partir de mesures fondées sur la valeur statistique de la vie humaine (VSL) ou d’un événement évité (VSC), soit à partir de mesures de qualité de vie ajustée sur la durée de vie (QALY). VSL ou VSC sont des mesures monétaires appliquées respectivement à la réduction de risques de mortalité ou de morbidité. Les mesures monétaires ont cet avantage qu’elles permettent de comparer directement les coûts et les bénéfices de plusieurs interventions. Le QALY quant à lui est une valeur non-monétaire dans laquelle la vie et la mortalité sont intégrées. Le QALY est employé dans les analyses de coût-efficacité ; dans ces analyses, une intervention est désirable si le rapport entre les coûts et les gains de QALY est favorable par rapport à un point de référence.

En matière de VSL ou VSC, contrairement au QALY, se pose la question de savoir si la valeur statistique devrait varier en fonction de l’âge ou de l’état de santé. C’est la raison pour laquelle il est important de réfléchir sur la relation entre QALY, d’une part, et, d’autre part, notre disposition à payer pour une réduction des risques de mortalité ou de morbidité. Cette réflexion a des implications potentielles importantes concernant le rôle des analyses coût-efficacité dans l’évaluation des politiques publiques en matière de santé ou de sécurité.

Il existe peu d’estimations de la disposition à payer pour une réduction des risques de mortalité ou de morbidité appliquées aux analyses coûts-bénéfices. Or, dans ce domaine, la fonction de transfert nous permettant de relier la valeur monétaire d’une modification des risques au même changement en termes de QALY est essentielle pour les analyses coût-efficacité. La valeur de référence par rapport à laquelle une intervention sera considérée comme coût-efficace est habituellement considérée comme identique pour toutes les interventions de santé. Ceci implique que la fonction de transfert devrait exprimer une proportionnalité entre disposition à payer et QALY.

La cohérence entre analyses coût-efficacité et théorie de l’économie du bien-être qui sous-tend les analyses coûts-bénéfices dépend en partie de cette question de savoir si la disposition à payer par QALY est constante quels que soient les individus et les variations de QALY. Cette présentation porte sur les bases communes et les différences entre les approches en termes de QALY et de VSL/VSC et propose une manière de lier les deux d’un point de vue théorique et empirique.

Luc Baumstark est maître de conférences et membre du conseil académique à l’Université de Lyon 2. Enseignant-chercheur, il est associé au Groupe d’Analyse et Théorique Economique Lyon Saint Etienne du CNRS. Il est également chercheur associé Hospinnomics.

Daniel Herrera est docteur en économie et diplômé de la Toulouse School of Economics. Il poursuit actuellement son post doctorat à Hospinnomics.



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Publié le 12 mai 2016